Les membres du réseau DESC demandent un système fiscal qui respecte les obligations en matière de droits de l'Homme en tenant compte des héritages coloniaux

Date de publication : 
Mercredi, 19 juin 2024
Membres du groupe de travail sur la politique économique lors de la marche pour la justice en matière de dette organisée par le contre-sommet des mouvements sociaux, Marrakech, Maroc 2023. © 2023 Private


Le 22 mai 2024, plus de 45 organisations internationales, dont 22 membres du réseau DESC (réseau international pour les Droits Économiques, Sociaux & Culturels), ont approuvé une lettre appelant l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) à adopter une solution politique holistique et pragmatique pour remédier aux inégalités fiscales, à la crise de la dette et à la justice climatique. Cette solution, selon les signataires, devrait englober les conversations en cours concernant la Convention-Cadre des Nations-Unies sur la coopération fiscale internationale, comme l'une des étapes essentielles pour atteindre l'objectif d'une transformation urgente du système fiscal mondial afin de s'aligner sur l'égalité et de se conformer aux normes et aux principes internationaux en matière de droits de l'Homme.

L'incapacité historique de l'architecture financière mondiale à remédier aux inégalités fiscales mondiales affectant les pays du Sud a conduit à la mise en place de régimes fiscaux rétrogrades et répressifs. Les pays du Sud ont été contraints de prendre des mesures pour augmenter leurs recettes en introduisant des taxes punitives et non durables, comme l'augmentation de la TVA sur les produits de base essentiels à la survie et la privatisation des services publics tels que la santé et l'éducation.

L'accord fiscal mondial, soutenu par l'OCDE et les pays du G20 et présenté comme la solution unique pour réformer l'architecture financière internationale, ne tient pas compte des besoins les plus pressants des populations du Sud et porte atteinte à la souveraineté nationale et à la capacité des pays à taxer à juste titre les bénéfices des multinationales.

Les vestiges du colonialisme se manifestent par une militarisation permanente de la dette, des guerres injustifiées et de nouvelles violations des droits de l'Homme. Les pays à revenu faible et moyen, en particulier ceux du Sud, ont du mal à remplir leurs obligations en matière de droits de l'Homme en raison d'un espace budgétaire trop restreint et de la pression exercée pour donner la priorité au service et au paiement de dettes illégitimes. L'avènement de la pandémie de Covid-19 a encore mis en lumière les profondes défaillances structurelles de l'ordre économique mondial actuel, dominé par le capitalisme, et a encore creusé les inégalités socio-économiques préexistantes entre les pays du Nord et ceux du Sud.

Les membres du réseau DESC, emmenés par le Centre pour les Droits Économiques & Sociaux (CDEC) et ses alliés, contestent la politique et les structures fiscales de l'OCDE et font pression pour que soit corrigé ce qu'ils croient fermement être "un modèle de répartition inégale des droits fiscaux entre et au sein des pays qui a manifestement exacerbé un système mondial de privilèges orchestré par les anciennes puissances coloniales au détriment des États anciennement colonisés et des descendants des groupes réduits en esclavage".

La lettre de mai fait suite à une précédente communication envoyée en octobre 2023 à huit procédures spéciales de l'ONU, dont l'expert indépendant sur les effets de la dette extérieure et d'autres obligations financières internationales sur les droits de l'Homme, le professeur Attiya Waris, et d'autres experts, rapporteurs spéciaux et groupes de travail pertinents de l'ONU. Elle invitait les destinataires à intervenir face à l'incapacité délibérée de l'OCDE à réformer les règles fiscales mondiales et aux politiques et pratiques illégitimes et abusives de certains de ses membres, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et la Suisse. La lettre soulevait également des préoccupations fondamentales concernant le soutien et la promotion par l'OCDE de politiques fiscales profondément ancrées dans le système du colonialisme, de la discrimination raciale et de la violation des droits de l'Homme qui ont un impact sur les communautés du monde entier.

En réponse à notre communication, huit experts et rapporteurs spéciaux de l'ONU ont envoyé une communication officielle au Secrétariat de l'OCDE, soulevant de sérieuses préoccupations concernant les réformes fiscales de l'OCDE et leur impact sur les droits de l'Homme.

Les membres sont déterminés et impatients de poursuivre leur collaboration avec leurs alliés et d'autres groupes intéressés, y compris les universités, les mouvements sociaux et les groupes féministes, entre autres, pour exiger la transformation urgente du système fiscal mondial afin qu'il soit conforme aux normes et aux principes internationaux en matière de droits de l'Homme. Nous devons agir maintenant pour remédier aux inégalités fiscales, à l'énigme de la dette, à la crise climatique, et pour réaliser les droits de l'Homme.